Colloque international
Bordeaux 4-8 mai 2017
Solitaire
et solidaire : création et engagement à l’œuvre dans la littérature
contemporaine
On parle souvent de l’expérience de l’écriture comme d’une
activité qui se déroule dans une solitude essentielle et incontournable.
L’écrivain est seul au monde, affirme le lauréat du
Prix Nobel de littérature Gao Xingjian, un écrivain chinois émigré à Paris (Le Livre d’un homme seul, traduit du
chinois par Noël Dutrait, Paris, Points, 1999, 506 p.). Dans son livre, celui-ci
ne manque pas de faire l’éloge de la solitude et de la réflexion autocentrée, qualités
et conditions dont la créativité ne pourrait se passer.
En effet, toute une doxa, romantique en l’occurrence, a diffusé l’idée que l’écriture
est une grande aventure solitaire. Il faudrait, dans une sorte d’ascèse
épistémique et existentielle, se couper du monde et de ses contemporains,
procéder résolument à une tabula rasa
pour se retrouver seul face à soi-même, condition sine qua non de la rencontre de soi et de sa vérité prenant sens et
existence dans l’œuvre littéraire. Seule une vie érémitique donnerait donc
accès aux connaissances et aux émotions que la littérature aurait pour mission
de diffuser aux profanes.
Même si cette conception reste dominante encore
aujourd’hui dans le champ littéraire, il n’en reste pas moins qu’elle est
fortement contestée tant au niveau théorique que dans les pratiques de certains
écrivains. De multiples questions se posent, en effet : La solitude est-elle
une condition nécessaire et suffisante à la créativité ? Afin de créer, de
se tourner vers l’âme humaine, est-il indispensable de prendre de la distance par
rapport au fracas du monde ? Si solitude il y a chez un auteur dans son
processus de création, en trouve-t-on des traces, sinon des échos, dans ses
textes et particulier dans ses personnages ?
Par ailleurs, il n’est pas chimérique de penser que l’isolement
créatif recherché et revendiqué par un écrivain ne peut qu’être relatif :
Tout texte n’est-il pas la
transfiguration et la transmutation artistiques d’un contexte, que ce dernier soit singulier ou commun ? N’y-a-t-il pas un
enchevêtrement gordien entre l’intime
et l’extime ? Tout dit n’est-il pas
un inter-dit ? La littérature
n’est-elle pas, aussi, l’inscription de traces qui dépassent et excèdent la
monade de son scripteur ? Quasiment
depuis son institution et de sa visibilité dans le champ social, la question de
la portée politique et éthique de l’œuvre littéraire n’a cessé de se poser,
tant pour les écrivains que pour les lecteurs. Car la littérature,
concomitamment, tend à créer des effets de
réel et à produire des effets dans le réel. Il parait difficile de ne pas
affronter de tels paradoxes, même si l’on est conscient que les réponses
apportées ne peuvent être qu’aporétiques, en fin de compte.
Bref, il serait opportun de se demander si
un artiste peut nouer, sans se renier et sans mettre en danger la spécificité
de son œuvre, à la fois, dans celle-ci, un geste esthétique, qui exige retrait
du monde et désintéressement, et un geste politique, qui est ouverture sur et
au monde. Tel a été le défi auquel ont été confrontés des écrivains comme François
Mauriac, André Malraux, Jean-Paul Sartre, Albert Camus et de nombreux auteurs
du milieu du xxe
siècle, confrontés à un choix douloureux : L’engagement et ou le retrait ?
La solidarité avec les autres ou la solitude ? L’exil ou l’immersion dans le
monde ? Le retrait ou le combat ? À
l’évidence, ces questions et ces choix sont aussi le lot des écrivains
d’aujourd’hui. Comment rendre compte d’une telle tension entre des pôles si
contraires, sinon contradictoires ?
Mots-clés:
engagement, action, combat, révolte, isolement, solitude, créativité, recueillement, abandon, retraite,
imagination.
Bibliographie :
Camus Albert, L’Homme révolté,
Paris, Gallimard, 1951, 388 p.
Denis Benoît, Littérature et
engagement : de Pascal à Sartre,
Paris, Éditions du Seuil, 2000, 320 p.
Laurent Thierry, Le Roman français
au croisement de l’engagement et du désengagement (xxe-xxie
siècles), Paris, L’Harmattan, 2015,
242 p.
Mauriac François, Le Cahier noir, Paris, Actes Sud, 2015 (1943), 240 p.
François Mauriac Le Romancier et ses personnages, Paris,
Pocket Agora, 1990 (1933), 125 p.
Sartre Jean-Paul Qu’est-ce que la
littérature ?, Paris, Gallimard, 1964 (1948), 384 p.
Xingjian
Gao, Le Livre d’un homme seul,
traduit du chinois par Noël Dutrait, Paris, Points, 1999, 506 p.
Modalités de participation
Les
propositions de communication sont à envoyer
avant
le 31 janvier 2017
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