SOMMAIRE
Editorial
par Marie Louise
Scheidhauer
C’est le moment ou
jamais de placer notre bulletin sous le signe de l’échange. L’échange est notre
richesse la plus réelle au sein de l’AEFM. Il nous oblige sans cesse à
bousculer nos habitudes, à réinterroger nos certitudes, à reconstruire notre
identité. Notre rencontre à Paris, du 12
au 14 octobre, sous l’égide des Russes à Paris, nous a permis de découvrir
combien les échanges entre les pays slaves et la France ont ouvert de portes à
de nouvelles créations sur tous les plans artistiques et littéraires. Le
présent numéro rend compte de ces rencontres extraordinaires à travers quelques
communications et témoignages qui ont ponctué le séjour, élargissant et
approfondissant nos connaissances…
Les Russes à Paris : quelques moments
marquants de ce 13 octobre
Le
cimetière de Sainte-Geneviève-des-Bois par
Claude
Hecham
Andreï Makine a évoqué sans le nommer le
cimetière russe dans son roman de 1998, Le
Crime d’Olga Arbélina, en ces termes : « Ça ne ressemble pas du tout à un cimetière, c’est un vrai jardin un peu
à l’abandon où l’on sent tout de suite qu’ils ont, eux, une tout autre vision
de la mort que nous… ». Ce lieu poétique, c’est celui que
nous avons visité ce matin du samedi 13 octobre, par une journée d’automne que
je ne me risquerai pas à décrire, la comparaison avec notre romancier préféré
étant inévitable…Notre guide, Tatiana, a mené notre groupe vers l’entrée, et
déjà nous étions en Russie, devant la petite église surmontée d’un bulbe bleu,
de pur style novgorodien, blanche, sans ouvertures, sans autre décor que la
fresque surmontant la porte d’entrée…
A la cantine russe par Marie
Louise Scheidhauer
Chante
et danse
Chante
et danse, belle Ukraine
C’était
un soir d’octobre, à la Cantine russe,
Avenue de New York, en face de la Tour Eiffel.
C’était
en Ukraine, quelque part à Paris, là où coule la Seine.
Un
orchestre jouait
Une
femme chantait…
Communications sur les écrivains et artistes russes à Paris
Ces communications permettent de comprendre les
raisons de la présence des écrivains et artistes russes à Paris mais aussi les
échanges très fructueux qui ont eu lieu entre eux et les écrivains et artistes
français.
Ivan Tourgueniev et les Salons Parisiens par Monique Grandjean
Ivan Sergueievitch Tourgueniev est né en Russie en 1818 à Orel et meurt
en France en 1883 à Bougival. Entre ces deux dates, l’écrivain vit deux
existences inextricablement mêlées dont la ligne de partage est 1843 date à
laquelle il rencontre à l’opéra de Moscou la cantatrice Pauline Viardot dont il
tombe éperdument amoureux. (Elle est la sœur de la Malibran, célèbre cantatrice
décédée en 1836 à 38 ans). A partir de ce moment, il vivra dans le sillage de
la jeune femme et de son mari, directeur de l’opéra italien .C’est un
aristocrate, fils de propriétaire terrien, il grandit dans la maison familiale
de Spaskoie-Lioutivinova sous la coupe d’une mère despotique qui régnait sur un
père faible et plus jeune qu’elle, sur 20 villages et 5000 âmes …
Sergey Prokofiev à Paris par Margarita Shtern
Il a consacré son œuvre à la lutte ardente et noble pour la vérité dans
l’art.
George Auric
Sergey Prokofiev a fait connaissance avec Paris quand, en 1913, à l’âge
de 22 ans, il est venu en Europe avec sa mère. C’était en été, la veille de sa
sortie du conservatoire de Saint Petersbourg. Dans une lettre au compositeur
Nicolas Tcherepnine, il écrit : « qu’ (il a) habité à Paris pendant
une semaine [...], [...] mais (qu’il a) ressenti l’impression la plus
superbe. La vivacité des Français, l’allure de leur vie et de leur culture
générale (l’) ont enchanté ». Prokofiev dit aussi qu’il a pu écouter Petrouchka de Stravinsky et Daphnis et Chloé de Ravel. Outre la
musique, le jeune homme a été impressionné par l’art : il a regardé et
hautement apprécié le département des sculptures du Salon, a visité le Louvre
et aussi la Tour Eiffel….
Les
égéries rouges par Nina Nazarova
Tes yeux sont si profonds qu'en me penchant pour boire
J'ai vu tous les soleils y venir se mirer
S'y jeter à mourir tous les désespérés
Tes yeux sont si profonds que j'y perds la mémoire
Louis Aragon, Les Yeux d'Elsa
Qu'y a-t-il de commun entre Henri Matisse, Romain Rolland, Paul Eluard,
Louis Aragon, Salvador Dali, Jean-Paul Sartre ou encore Aristide Maillol ou
Fernand Léger? Tous ces hommes brillèrent dans leurs domaines respectifs et
marquèrent profondément leur époque et les temps à venir ; outre cela, ils se
sont liés à des femmes d'exception, des Russes exilées bien décidées à peser
sur les destinées de ces hommes auprès desquels elles avaient choisi de jouer
le rôle de muses...
Littérature
russe émigrée par Anne Hogenhuis
En un bref raccourci, je voudrais partager avec vous quelques
considérations à propos de la création littéraire russe hors frontières, telle
qu’elle s’est présentée en France dans les années 1920 et 30 du siècle dernier.
Je ne vais pas retracer l’histoire des diverses familles littéraires, mais
plutôt replacer les littérateurs et leurs œuvres dans le cadre philosophique et
social de leur époque et voir comment celui-ci se reflète dans leurs créations.
Partageant le sort de nombreux Russes,
des écrivains, des poètes ont émigré en deux vagues. En 1920 au moment de la
Guerre civile (80.000 personnes environ en France). Puis en 1923 une émigration
beaucoup plus élitaire, pour ceux qui espéraient s’accommoder avec les
soviétiques et que ceux-ci ont expulsés, « la nef des philosophes ».
Ensuite, il y a quelques allés et retours jusqu’en 1927, puis c’est le rideau
de fer stalinien, pour très longtemps…
Andrei Tarkovski, cinéaste soviétique et
écrivain par Anne Hogenhuis
Le destin de nombreux artistes fut marqué par l’exil. Celui d’Andrei
Tarkovski le fut tardivement, puisque seuls les deux derniers de ses sept longs
métrages ont été tournés hors de Russie : Nostalghia, en Italie, et Le
Sacrifice en Suède. Pendant vingt ans, entre 1962 et 1982, il a réalisé
avec d’immenses difficultés liées aux conditions de la production
cinématographique en URSS, des films qui l’ont rendu célèbre dans le monde
entier : L’Enfance d’Ivan, Andrei Roublev, Solaris, Stalker, Le Miroir. Quand il obtint le Lion d’Or
à Venise pour son premier film, qui reçut en tout huit prix internationaux, il
fut invité par la ville de Florence à venir travailler en Italie. Il y choisit
l’exil en 1984…
Mamardachvili – Proust – Mauriac : correspondances par Yaryna Tarassiuk
Dans le contexte du thème « Les Russes à Paris » le titre Mamardachvili – Proust – Mauriac : correspondances exige quelques mots
d’explication. Tout d’abord il est à noter que le manque de liens apparents situe
le thème à un niveau symbolique et métaphysique. Car à vrai dire Merab
Mamardachvili, Docteur ès Sciences, Professeur de philosophie est de
nationalité géorgienne, il n’a fait qu’un nombre restreint de séjours à Paris
et il n’a pas écrit un seul mot sur l’œuvre de F. Mauriac. Donc il faut argumenter
différents points de vue : Mamardachvili et les Russes; Mamardachvili et Paris
réel; Mamardachvili et Paris symbolique; Mamardachvili –Proust –Mauriac…
Le
colloque de Berlin : Résumés des communications : Ecriture et
identité
1. BADRÉ
Sabine
Dans Le dérèglement du monde, l’affirmation
de l’identité dans l’écriture a-t-elle un sens?( à partir de l’œuvre d’Amin
Maalouf)
Amin Maalouf s’interroge depuis des années sur
l’identité malmenée par une mondialisation trop rapide, échevelée,
souvent non maîtrisée, un maelström où l’homme ne trouve pas sa place et ne se
reconnaît plus, surtout quand il est né au confluent de plusieurs traditions...
2. DRANENKO Galyna
Limonov d’Emmanuel Carrère .Et si nous
étions tous des sujets et des agents doubles…
Comme
l’analyse littéraire de l’autobiographie le vérifie, l’histoire d’une vie ne
cesse d’être refigurée par toutes les histoires véridiques ou fictives qu’un
sujet se raconte sur lui-même. Cette refiguration fait de la vie elle-même un
tissu d’histoires racontées
Paul Ricœur
Emmanuel
Carrère, l’auteur de D’autres vies que la mienne (P.O.L., 1999), aurait
pu à l’évidence signer le livre, trop méconnu, du poète espagnol, Antonio
Machado, De l’essentielle hétérogénéité de l’être (Rivages poche, Petite
bibliothèque, 2002), et reprendre à son compte la notion
d’« autreté ». C’est une telle vision du monde et de l’homme qu’illustre,
en tout cas, son dernier opus Limonov (P.O.L., prix Renaudot 2011)…
3. FABIANI Daniela
L’identité juive dans l’œuvre
d’Irène Némirovsky
Le XXI siècle a
vu paraître, à titre posthume, le dernier roman d’I. Némirovsky, écrivaine
ukrainienne d’origine juive qui a commencé sa carrière littéraire à Paris et
qui est morte à Auschwitz sans avoir réussi à obtenir la nationalité française
qu’elle avait pourtant demandée à maintes reprises. Russe, juive,
française : ces trois identités n’ont pas joué dans sa vie personnelle un
rôle trop conflictuel (sauf les derniers temps, avant sa déportation), car
elles fusionnaient dans ce qu’elle considérait comme sa véritable identité, à
savoir une écrivaine française ; par contre ses romans et nouvelles montrent
ces trois origines en éternel conflit…
4. FERNANDEZ Thaïs A.
Une nuit de novembre 1956… Agota
Kristof: une identité à re-construire
Le traumatisme
identitaire d’Agota Kristof remonte à une nuit de novembre 1956, lorsque, suite
à l’invasion de l’Armée Rouge, elle doit fuir la Hongrie et les persécutions.
Elle a dix-neuf ans et une petite fille de quatre mois. Dans son récit
autobiographique, L’analphabète, elle dira plus tard qu’elle
n’aurait pas voulu en arriver là, mais qu’elle a suivi son mari, qui risquait
la prison pour son engagement politique. Il s’agit d’un détail important, car
cet abandon forcé de sa terre, de ses affections, de ses racines provoquera en
elle une crise d’identité dont elle sortira grâce à l’écriture…
5. GARFITT Toby
Identité et (dé)création
chez Sylvie Germain
Les derniers
livres de Sylvie Germain posent de façon aiguë le problème de l’identité. La
romancière s’interroge en particulier sur la ligne fragile qui sépare
l’existence de la non-existence, tant pour le personnage littéraire (Les
Personnages, 2004) que pour l’être social (L’Inaperçu, 2008 ; Hors
champ, 2009). Qu’est-ce qui fait qu’un être humain vive vraiment ?
Nous ne vivons qu’en rapport avec l’Autre, et « l’enfer, c’est quand il
n’y a plus que “moi”, mais un moi insulaire, abandonné de tous » (Quatre
actes de présence, 2011). Qu’est-ce qui assure notre visibilité ? Quel
est le sens de la décréation dont notre société moderne est menacée, et dans
quelle mesure peut-elle être rachetée ? Sylvie Germain apporte des
éléments de réponse dans une méditation nourrie comme toujours d’échos et de
dialogues, où la présence de l’Autre (voisin, créateur, ou Dieu) est
essentielle.
6.
GORMALLY Patrick
Pearse
Hutchinson : du code de la tribu à l’identité continentale
Pearse Hutchinson
(1927-2012), un des rares poètes bilingues d’Irlande (gaélique et anglais), est
également le traducteur en anglais de poèmes tirés d’une douzaine de langues et
dialectes européens dont les langues de la péninsule ibérique en particulier.
La langue irlandaise, parlée depuis
500 avant J-C, est une des plus vieilles d’Europe et date pour la forme moderne
de 1200. Les textes de Pearse Hutchinson sont cependant étonnamment modernes et
évoquent les grands thèmes de la poésie universelle : l’amitié et l’absence, le
trouble intérieur et la paix, la colère et l’humour…
7.
HECHAM Claude
Sur le
thème : écriture et identité, une analyse du roman Le nœud de vipères de
François Mauriac (1932)
Mauriac avait
montré avec Thérèse Desqueyroux la perfection de sa technique de la
rétrospection. Avec Le nœud de vipères il alla plus loin en faisant
d’une confession par lettre, un journal couvrant tout un cahier. Alors que le
premier exercice exprime un sentiment de culpabilité, le second ne vise d’abord
qu’à juger les autres. Comment et pourquoi se fait ce passage d’un genre à
l’autre ? …
8. IVASSIOUTINE Taras
Gregor von Rezzori: littérature comme quête des
origines
La vie de Gregor
von Rezzori coïncide presque parfaitement avec le XXe siècle. Né citoyen
austro-hongrois, en 1914 à Czernowitz en Bucovine (cet entre-deux politique,
entre la Mitteleuropa et les Balkans, où sont nés beaucoup d’autres écrivains,
dont P. Celan) ce grand séducteur portait en lui une mosaïque de langues et de
cultures issue de son pays natal. Apatride, il adoptera la nationalité
autrichienne seulement en 1984. Nomade, il séjournera à Bucarest, Vienne,
Berlin, Hambourg, Rome, Paris et New York avant de se retirer, à partir de
1966, en Toscane, pour s’adonner totalement à l’écriture. Mais ce fils de
chasseur n’était pas homme de bureau. Chroniqueur radio à ses débuts, puis
journaliste à Playboy ou Kurier, il fut aussi scénariste de films et même
partenaire au cinéma de Brigitte Bardot…
9. JACQUET Marie-Line
Personnages
en quête d’identité dans deux romans de Gabriel Osmonde
Une bonne partie
de l'œuvre d'Andreï Makine et de Gabriel Osmonde est marquée par le thème de la
recherche ou de la perte de l'identité des personnages. Certains héros de
Gabriel Osmonde ne semblent ne pas apprécier ce qu'ils sont, et vivent comme
une distance par rapport à leur propre corps. Dans Les 20 000 Femmes de la vie d'un homme, Alexis Taraneau éprouve du
dégoût par rapport à sa propre personne et de même, il est à la fois fasciné et
rebuté (l'omniprésence du champ lexical de la bestialité, dès qu'il s'agit de
sexualité, en témoigne suffisamment) par le corps des femmes qu'il rencontre et
prétend aimer. Dans Le Voyage d'une Femme
qui n'avait plus peur de vieillir, Laura n'aime guère ses formes un peu
lourdes et aucun de ces personnages n'est épanoui dans sa vie amoureuse…
10. JAMMAL Nadia
Ecriture cathartique et quête de l’identité dans
Anima, roman de Wajdi Mouawad.
Wajdi Mouawad est né au Liban et a vécu à Paris et à
Montréal avant de se fixer à Toulouse. Roman multiforme de 389 pages, Anima
déroule le périple échevelé, à travers l’Amérique, d’un homme à la recherche du
meurtrier de sa femme, sauvagement assassinée au début du récit. Mais l’enquête
s’avère être une quête de l’identité, de l’altérité et des origines, à travers
les lacis de récits entrecroisés, assumés par des animaux-totems et qui
aboutissent à un sacrifice rituel où la perte de l’âme est rachetée par le
dévoilement des mensonges enfouis dans un passé révolu et la récupération d’une
identité avérée protéiforme...
11. MONTESARCHIO Marta
L’identité
en déplacement dans Soigne ta chute de Flora Balzano
Comment saisir
complètement sa propre identité dans une société aussi scindée et chaotique que
notre société contemporaine? Chaque individu moderne s’est posé cette question
une fois dans la vie, et la réponse est toujours difficile à trouver car elle
implique un parcours de totale mise en jeu de soi-même pour pouvoir enfin se
comprendre et se dire aux autres. Dans le cas de Flora Balzano, cette
définition identitaire implique une quête encore plus tortueuse, suivant un
voyage à la fois physique et intérieur qui a caractérisé la vie et l’œuvre de
l’auteur…
12.
NAZAROVA Nina
Alter ego ou alternaissance: de Makine à Osmonde
Qu'est ce qui
pousse un romancier célèbre qui a cumulé des prix littéraires et la
reconnaissance des lecteurs, un romancier qui est traduit en plusieurs langues
et qui est invité partout, à publier sous un pseudo, à se cacher derrière un
nom et une personnalité autre et à vivre des années dans la
clandestinité ? Est-ce le désir de repartir à zéro, de se débarrasser du
poids insupportable du passé et de l'image créée par la critique qui commencent
à freiner la liberté d'expression ou est-ce plutôt un jeu avec le sort, un
moyen d'échapper à l’oubli, de conjurer la perte de la créativité ? …
13. OUNDOUA Hervé
Jacques Derrida et la question de l’identité
En considérant l’homme dans un « jeu
de miroirs du monde », les idéologies postmodernes ont un même
objectif : saisir ce dernier dans sa fugacité et sa contingence. Ces
théoriciens refusent à la nature humaine toute identité précise, dés lors que
d’après eux, la vie elle-même se charge de « déjouer les fixations »
et les pièges identitaires aussi bien par l’exil que par la dispersion...
14.
PARRY Margaret
Austerlitz de
Sebald, ou des frères dans le mal : identités meurtries et meurtrière
Sous quelles
formes la crise identitaire se retrouve-t-elle dans la littérature française et
francophone ? C’est la question posée dans la proposition de colloque qui
nous transmise. Etant donné le lieu de notre colloque, j’ai choisi d’interroger
un écrivain allemand, W G Sebald, considéré par bon nombre de critiques comme
étant l’un des plus grands romanciers d’aujourd’hui, destiné à recevoir le prix
Nobel de littérature, n’eût été sa mort précoce survenue en 2001 dans un
accident de voiture…
15. RUTTIK
Ada
L’identité à travers l’écriture
ou nouvelles clés de lecture d’un récit de Friedebert Tuglas
Il nous semble que toute écriture créative quelle que
soit sa forme ou son sujet en dit plus sur son auteur que la parole de ce
dernier. C’est-à-dire qu’en écrivant, l’auteur
révèle malgré lui une partie de son âme, ce qu’il ne fait pas ou ne doit pas forcément faire en parlant.
Lorsqu’il écrit, il est obligé d’être plus honnête envers lui-même ainsi que devant ses
lecteurs. Enfin, il se rend compte que les mots ne s’envolent pas tout de suite à la différence des paroles...
16. SCHEIDHAUER Marie Louise
Quels
liens littéraires entre les narrateurs d’Alternaissance de Gabriel Osmonde et du livre des brèves amours éternelles d’Andreï Makine?
Il existe des
liens étranges entre les deux écrits. Le lecteur d’A. Makine qui lit Alternaissance
de Gabriel Osmonde y reconnaît des phrases entières du livre des brèves amours éternelles.
Entre autres ce que G. Osmonde appelle « les instants perliers ». Et
c’est comme si Alternaissance
développait le rêve du Poète qui est de remplacer l’humanité fade et perverse
et moutonnière qui est la nôtre par une humanité nouvelle faite
d’ « instants perliers éternels ». Pour réaliser ce rêve il faut
trouver le langage de l’alternaissance. Cette tâche est confiée au narrateur d’Alternaissance qui s’est initié au
projet du groupe des diggers…
17.
SIMON Georges
Deisis ou
les trois visages de Sylvie Germain
Chaque fois qu’on
lit un livre de Sylvie Germain, on a la chance de se retrouver sur la troisième
voie de la vie, comme l’unique chemin vers l’éternité vivante. Sacrée, la vie
c’est le don que le Créateur a offert aux hommes pour partager et consacrer la
Création : accueillir, accepter, consentir ; écouter le silence et
scruter l’invisible, - tels sont les plus hauts actes de l’attention et de la
conscience que doivent accomplir les vivants…
18.
TARASSIUK Yarina
La quête ou le refus d’identité dans
les romans de F. Mauriac précédant Le baiser au lépreux
La quête
d’identité ressemble à l’aspiration de l’homme à se situer au sein de
l’humanité et en exprime le trait principal – son besoin d’appartenir au groupe
et en même temps d’être unique et libre. Plusieurs appartenances de l’homme
aboutissent à un mouvement interminable dans le temps et l’espace, donc à un
changement infini des coordonnées…
19.LATINI MASTRANGELO Giulia
19.LATINI MASTRANGELO Giulia
Jacques
Poulin: Volkswagen blues
ou le désir de clarification identitaire
Notre travail commence par une rappel de
Chrétien de Troyes (XIIe siècle), dont l’un des personnages, Perceval, décide
de quitter les chevaliers du roi Arthur et la gloire mondaine pour entreprendre
une quête par laquelle il espère, au travers d’une prise de conscience de
lui-même, atteindre l’élévation morale. Resté inachevé, peut-être suite à la
mort de l’auteur, ce roman jette les bases du sens que prend cette décision du
jeune Perceval qui, au fil de son éducation, acquiert la conscience de soi et
du monde environnant ; aussi pouvons parler, en termes modernes, d’un
voyage identitaire...
Nouvelles
publications de nos membres
Taras Ivassioutine, De Molière à Chagall : dialogue littéraire et
artistique, Tchernivtsi, Zoloti lytavry,
2012, 292 p. (en ukrainien, en français, en allemand)
La monographie de
Taras Ivassioutine comprend des recherches scientifiques tout à fait
passionnantes et intéressantes tant en littérature, qu’en art et en traduction.
Le premier chapitre réunit des articles consacrés à l’histoire de la réception
de l’œuvre de Molière en Ukraine. Le point de vue choisi s’inscrit dans une
problématique de traductologie, dans la mesure même où Taras Ivassioutine
examine et étudie comment les pièces de Molière ont émergé dans les champs
littéraire et culturel en Ukraine, grâce à la médiation de la Pologne et de la
Russie. Ainsi une attention particulière est-elle portée sur l’histoire et la
configuration du théâtre ukrainien des XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles. Il est établi que cette période se
caractérise par un répertoire assez restreint. Les œuvres dramatiques, qu’elles
soient ukrainiennes ou étrangères dont on dispose alors, sont relativement peu
nombreuses. Taras Ivassioutine montre, à ce propos, combien ont été importantes
les interprétations critiques de l’œuvre du célèbre dramaturge français
entreprises par Ivan Franko et Lessia Oukraïnka. En effet, il est
incontestable que, grâce à eux, l’œuvre de Molière a eu une influence décisive
sur un grand nombre d’écrivains ukrainiens – à savoir :
H. Kvitka-Osnovianenko, I. Karpenko-Karyï, I. Franko,
M. Kropyvnytskyï, pour ne citer que les plus connus. Par ses travaux
d’historien de la littérature et de la culture, T. Ivassioutine se révèle
donc, à coup sûr, comme l’un des meilleurs spécialistes qui ait mis en lumière
le rayonnement de Molière en Ukraine.
Le deuxième
chapitre est consacré, en grande partie, à des études littéraires comparées
d’œuvres d’écrivains ukrainiens, européens et, en particulier, français du XXe
siècle (F. Mauriac, A. Makine, P. Michon, R. Gary,
M. Houellebecq, J.M.G. Le Clézio, A. Wiazemsky). On soulignera l’approche
originale de Taras Ivassioutine dans l’analyse des œuvres des écrivains qu’il
affectionne, car il examine avec beaucoup d’acuité comment leur écriture est
liée aux différents arts (peinture, musique…). Il faut mentionner aussi une
autre facette des investigations entreprises par cet enseignant-chercheur,
quand il établit des parallèles entre les pièces de Sartre, d’Anouilh et de
Vynnytchenko, dans des études centrées autour du personnage dont l’identité
profonde risque, à chaque instant, de se confondre avec les masques qu’ils prennent.
Taras Ivassioutine trouve dans ce phénomène la manifestation d’un drame
existentiel, celui de la tension entre l’être et le paraître – peut-être l’un
des thèmes les plus importants de la littérature du XXe. En écho à cette
préoccupation humaniste, Taras Ivassioutine entreprend d’évoquer, dans un de
ses articles, en les réinscrivant ainsi à nouveau dans nos mémoires
individuelle et collective, trois hommes qui ont vécu l’expérience du Goulag et
qui en ont témoigné ultérieurement dans leurs écrits. Certes, c’est le cas de
Soljenitsyne, mais aussi celui de Varlaam Chalamov, condamné au bagne, où il
mourra, qui a su raconter, d’une façon originale et poignante, l’indicible des
souffrances endurées à la Kolyma. Taras Ivassioutine a aussi le mérite de rendre
inoubliable le témoignage de Mykhaïlo Ivassiouk, un écrivain bucovinien
peut-être moins médiatisé mais qui compte pour tout lecteur capable d’entendre
cette voix qui décrit l’enfer du camp et les difficiles tentatives de vivre
après cette expérience tragique.
Dans son
troisième chapitre, Taras Ivassioutine examine les liens culturels et
historiques qu’ont entretenus la France et l’Ukraine, et étudie les phénomènes
de multiculturalisme en Bucovine, passés par le filtre des œuvres d’écrivains
bucoviniens dont la renommée et l’aura sont devenues mondiales
(I. Némirovsky, O. Arkhypenko, V. Vynnytchenko, P. Celan,
G. von Rezzori, etc.). Autant historien qu’archéologue et exégète de ces
échanges entre les cultures, on comprend, donc, que Taras Ivassioutine ait eu
aussi le souci de découvrir et de relever les moindres traces des
ressortissants de Tchernivtsi et de la Bucovine en France, et en particulier à
Paris.
Enfin, il faut
signaler que tout chercheur est aussi un homme qui vit, grâce à ses
préoccupations scientifiques, des expériences humaines qui l’enrichissent, et
on sait gré, dès lors, à Taras Ivassioutine de nous les faire partager dans ses
notes de voyage, où il évoque les rencontres mémorables qu’il a faites avec des
personnalités qui ont été des phares de l’art du XXe siècle, et en particulier
celle avec Marc Chagall.
Compte rendu de
Galyna Dranenko
Anne Hogenhuis: Tristes Printemps, épopée, Editions du Rocher, 2009
L’épopée, disait
Victor Hugo, c’est de l’Histoire écoutée aux portes de la légende.
Après avoir lu l’histoire de la
famille Séliverstoff racontée par Anne Hogenhuis, je me suis demandé pourquoi
l’auteure, qui est historienne, avait sous-titré son ouvrage
"épopée". Etait-ce parce qu’elle a utilisé les sources à sa
disposition et que ces documents sont dépositaires de la légende
familiale ? Ou bien était-ce parce que les événements auxquels sa famille
a été mêlée eurent la dimension d’un cataclysme universel ?
Anne Hogenhuis
dispose de sources premières, pour l’essentiel rédigées en français, un paquet
de lettres jaunies à l’encre violette, d’une écriture régulière, penchée à
l’anglaise façon Sacré-Cœur : la correspondance adressée par Cécile
pendant vingt-cinq ans à sa sœur Joséphine ; le récit, par sa fille Mila,
des années passées au Goulag ; les confidences enfin de Lucette, à la
troisième génération. D’autre part, elle a connu certains des protagonistes de
cette histoire qui sont ses parents, au sens large, alors que ses
grands-parents, Cécile et Iva, ne lui sont connus que par des photographies.
Trop tardivement, elle en est consciente, écrire leur biographie à partir des
renseignements ainsi recueillis est devenu pour elle une intime exigence. Mais
il lui fallait la remettre à sa place dans la trame de l’Histoire avec un grand
H, cette dernière primant toujours sur les destins individuels. Travail mené
avec le souci d’exactitude propre à l’historien, mais qui, au final, se lit
comme un roman, tout comme le précédent : Des savants dans la Résistance,
qui nous a fait revivre la tragique destinée de Boris Vildé. Après avoir
retracé l’épopée de ce jeune russe fusillé à Paris pour avoir fait partie du
réseau du Musée de l’Homme, c’est celle de sa propre grand-mère, française
devenue russe, qu’elle a fait revivre grâce à la correspondance conservée
pendant soixante-dix ans par sa famille française. Elle a recherché
passionnément les traces de la guerre de 14-18, de la Révolution russe de 1917,
de la guerre de 39-45 dans ces longues missives lancées parfois comme des
bouteilles à la mer ! Et lorsque les lacunes des sources ne permettaient
pas de suivre le déroulement des évènements, Anne Hogenhuis a poursuivi ses
recherches dans les documents diplomatiques du Quai d’Orsay à la publication
desquels elle collabore.
Cet héritage
d’une famille disparue se situe quelque part entre la Russie et la France, à
Varsovie, Strelna ou Kiev, partout où l’exil volontaire, puis subi, a poussé
Cécile à consacrer du temps à l’écriture. Ses lettres témoignaient d’une
culture et d’une intelligence remarquables ; dans un style inimitable que
de nombreuses citations nous font apprécier, elle raconte sa vie de grande
dame, palais et robes à traîne, et son existence misérable d’exilée sans le
sou, mais toujours avec humour. Quand il fallait déjouer la censure soviétique,
elle avait recours aux expressions populaires aussi bien qu’aux métaphores
poétiques. N’est-ce pas une forme d’héroïsme, cette lutte contre la faim,
l’exil, la maladie ? Le désespoir guettait toujours Cécile, mais soutenue
par ses enfants et son amie Charlotte, elle tenait bon. L’incompréhension de sa
famille de France fut peut-être sa plus grande tragédie : à la fin,
quelqu’un dit : « elle l’a bien cherché ».
Nous savons grâce
à Anne Hogenhuis, sa petite fille, que cet héroïsme était fait d’amour.
Compte rendu de Claude Hecham
Roger
Bichelberger, Bérénice, Ed. Albin Michel, oct. 2012
Roger Bichelberger, membre de
l’AEFM depuis ses origines, publie Bérénice, son douzième roman chez Albin
Michel, outre ses récits, nouvelles et essais chez ce même éditeur…d’autres
romans ont paru chez Plon, Stock, Fayard, Desclée de Brouwer etc…beaucoup ont été
primés…
Bérénice a 17 ans quand elle rencontre dans son
lycée le Père Kenelm, un jeune prêtre irlandais envoyé en France auprès de
jeunes filles auxquelles il se dévoue sans compter. Bérénice n’a jamais existé
pour ses parents et croit trouver en Kenelm un père de substitution, capable de
la comprendre, de l’aider et de l’aimer. Kenelm est le narrateur. Entre ces
deux êtres profondément spirituels mais solitaires, sensibles et tourmentés, la
rencontre qu’ils vivront comme une grâce s’annonce incertaine et douloureuse. Bérénice,
écrit d’après une histoire vraie comme souvent dans les romans de Roger, est un drame qui ne cache pas ses influences
bernanosiennes.
En Lorraine, sur la terre natale de Roger
Bichelberger, plusieurs manifestations sont organisées à chaque parution d’un
nouveau livre ; nous assistions à celle de Forbach
où le public était très nombreux. Roger avait réuni un ancien collègue,
professeur de français, qui se dit athée, et un prêtre catholique, chacun
soulignant à sa manière l’intérêt de ce livre, le tout ponctué par les chants
d’une chorale ; un débat a suivi et la soirée s’est terminée autour d’un
verre de l’amitié. Merci à Roger pour son écriture et tout ce qu’elle suscite…
Compte rendu de
Marie-Cécile Schroeter
Autre parution
Liliane Barakat, Le Liban, Géographie d’un pays paradoxal,
Ed. Belin, Paris, 2012
Evènement
Boulgakov a aussi franchi le mur par Marie-Louise
Scheidhauer
Boulgakov,
dont nous avons entouré la statue à Kiev, a eu droit à la cour d’honneur en
Avignon, en cette année 2012, affichant par là-même l’intérêt que le lecteur
d’aujourd’hui porte à ce roman. La page qui suit en propose une relecture…
Lire la suite des articles dans la version papier
(contacter Pierre Schroeter pierre.schroeter@wanadoo.fr)
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