SOMMAIRE
Editorial par Margaret Parry
Qui aurait pensé que le thème des « Russes
à Paris » donnerait une telle richesse parmi nos membres ? Mais n’avions-nous pas senti, à travers nos
échanges de Noël, un nouvel enthousiasme, une nouvelle vitalité, cela grâce en
partie du moins à notre numéro précédent ? Qui se traduisent ici dans la
volonté - cela malgré tant d’autres obligations pressantes - de continuer à donner
le meilleur de nous-mêmes pour nous enrichir mutuellement, en ouvrant de
nouvelles pistes, de nouvelles perspectives qui ne cessent de nous orienter sur
le plan « spirituel », mot qui, sans aucun sens confessionnel,
continue à diriger notre pensée et nos lectures…
Réflexion
sur la dimension spirituelle de l’association par Sabine Badré
Dans
chaque numéro nous invitons des contributions sur la spiritualité comme axe
central de notre orientation. Notons
dans la réflexion présente l’accent que met Sabine Badré sur l’idée de
« la spécificité » dans la quête de chacun, sur la
« richesse » dans la « diversité », sur l’ouverture
à « l’Autre, plus moi-même que moi », autant de thèmes (parmi
d’autres) qu’éclairent, au fur et à mesure de notre lecture de ce numéro, les
contributions de chacun.
Notre Association européenne qui s'est
constituée dans une référence à François Mauriac, dont les colloques autour du
centenaire de la naissance nous avaient réunis à Bordeaux et à Paris, est
demeurée fidèle à son intuition de départ. Ce qui nous intéresse dans la
littérature "d'ici et d'ailleurs" c'est la quête du sens, la
recherche de ce qu'est l'homme et de ce qui le dépasse infiniment, une forme de
transcendance qui s'exprime à travers les mots dans le cheminement de l'auteur…
Découverte
d’auteurs d’aujourd’hui
-Manque,
profusion et transcendance dans l’œuvre romanesque
d’Antoine Volodine par Marie-Line Jacquet
Lors de l'automne 2011, je m'étais proposé
d'écrire, pour Intervoix, un article sur le thème suivant : « Antoine
Volodine, une spiritualité creuse » (je songeais alors, plus ou moins, à
l'affirmation célèbre de Saint-Augustin, comme quoi « il y a, dans le cœur de
tout homme, un vide en forme de Dieu »).
Il me semblait, en effet, que les romans de cet auteur témoignent d'une
telle désespérance et en même temps d'une telle volonté de résistance au
malheur…
-Italophonie
et francophonie, sœurs jumelles ou demi-sœurs ? Le cas du dernier roman de Younis Tawfik par
Marta Montesarchio
«Italophonie». Ce mot du moins inattendu pendant
mon petit-déjeuner m’a figée à ma place, bouche béante et incertain sourire
d’espoir sur les lèvres. En considérant l’attitude actuelle de l’Italie
par rapport à ses immigrés, jamais je n’aurais pensé entendre ce mot se dégager
de ma télévision un matin de janvier. Pourtant, c’était un homme ferme et
tranquille qui avait proféré cette flatteuse parole…
-Irène
Nèmirowski, entre Russie et France par Daniela
Fabiani
Le nom
d’Irène Némirovsky est aujourd’hui bien connu : l’attribution
posthume, en 2004, du Prix Renaudot à son roman Suite Française et la réédition de toutes ses œuvres - romans,
nouvelles, essais- pendant ces dernières années ont contribué à faire sortir de
l’oubli le nom de cette écrivaine juive d’origine russe (ou mieux,
ukrainienne), exilée en France depuis 1919 et morte à Auschwitz en 1942, à
l’âge de trente-neuf ans. Pendant sa vie
elle avait été reconnue et célébrée par la critique littéraire de cette époque
comme une grande romancière et nouvelliste…
L’Emigration
russe : souvenir personnel
-Pèlerinage
dans un passé d’émigrés par Anne
Hogenhuis
Novembre
1920. La défaite des Blancs en Crimée sonne le glas de la guerre civile. Dos à
la mer, les armées du général Wrangel s’embarquent sur tous les vaisseaux
disponibles. Dans leur sillage les civils suivent. Beaucoup les ont précédés au
cours de l’année écoulée. En 1923, un dernier lot d’intellectuels expulsés prit
le large vers la Baltique, et Paris peut-être...
Les
Russes à Paris
Présence-absence
de Gogol à Paris : un étranger de passage
dans une ville étrange par Galyna Dranenko
Nikolaï Gogol (1809-1852) est une des figures
les plus énigmatiques de la littérature européenne. Connu et en même temps
méconnu, il suit un chemin de vie tissé de paradoxes, de contraintes et de
mystères : double identité, œuvres réécrites ou détruites, obsessions
mystiques, mort inexplicable… Nikolaï Gogol est aussi un grand nomade. Durant
toute sa vie d’adulte, il effectue des voyages constants entre l’Ukraine et la
Russie, la Russie et l’Europe, l’Allemagne et l’Italie, etc. Ses biographes ont
calculé que, tout au long des quarante-trois ans de son existence, l’écrivain a
vécu vingt-quatre ans en Ukraine, onze ans en Europe et huit ans en Russie…
-K
G Paoustowski : l’homme du dégel à Paris
par Sophie Ollivier
Dans la seconde moitié des années 50, les portes
de l’Union soviétique commencent à s’ouvrir sur l’Europe occidentale.
Représentant le plus important du dégel
par son livre La Rose d’or (1955), qui en est une sorte de
manifeste, l’écrivain Konstantin Gueorguievitch Paoustovski (1892-1968) est un
des premiers Russes à venir en France. En septembre 1956, il fait une croisière
en Europe sur le navire Victoire en compagnie d’un groupe d’écrivains de
Leningrad. L’essai (« otcherk »
en russe) Un coup d’œil sur Paris (1956) a été écrit à la suite
de sa visite de trois jours dans la capitale. On était en
pleine guerre froide…
-Bounine
à Paris par Marie Louise Scheidhauer
Yvan Bounine est né à
Voronej, en Russie centrale, le 22 octobre 1870. Il est un écrivain russe,
auteur de poèmes, de nouvelles et de romans. Né au sein d’une famille de poètes
(Anne Pétrovna Bounine et Vassili Andréïévitch Joukovsky), il se met très tôt à
écrire lui-même, publiant son premier poème, La Patrie, à dix-sept ans.
Pour son recueil Automne, il reçoit le prix Pouchkine en 1901. En 1909,
il publie son premier roman Le village. Entre temps, il a travaillé à un
journal, publié des recueils de poésies, rencontré des écrivains russes
célèbres…
-Henri
Troyat : les échos d’une enfance russe par
Nina
Nazarova
Académicien de la littérature française Henri
Troyat (Lev Aslanovitch Tarassov ; en russe : Лев Асланович
Тарасов) naquit en Russie tsariste le 1er novembre 1911 dans une
famille arménienne. Pour le jeune Lev, la vie commence dans l'opulence : ses
parents, riches négociants, possèdent de grands comptoirs de vente de drap
ainsi que des compagnies de chemin de fer. Dans son enfance, une gouvernante
suisse lui apprend le français, tandis que sa nounou, sa niania, le nourrit de
légendes russes et de dictons populaires – deux femmes qui symbolisent déjà une
destinée partagée entre deux cultures. Durant toute sa vie, Lev Tarassov va
garder des souvenirs nostalgiques de sa vie en Russie…
-Pilules
pink et la paix des peuples par Margaret Parry
A l’occasion de la visite à Paris en octobre
1896 du tsar Nicholas II et de la tsarine Alexandra Fedorovna paraît dans le journal cette
publicité sous forme de double cœur :
Pilules pink pour
personnes pâles
Vous ne jouirez pas de ces fêtes si vous
n’êtes pas en bonne santé.
Force, vigueur et jeunesse s’acquièrent par
l’usage des pilules pink.
Quoi de plus clair ? Il faut être vraiment en forme pour fêter
comme il faut ce grand événement qui va renforcer l’alliance franco-russe établie
en 1893… et, si nous en croyons les journaux, qui « hantait depuis plus de
deux cents ans l’esprit de tous les hommes entreprenants ». Et pas seulement des hommes ‘entreprenants’,
osons-nous dire. N’y a-t-il pas quelque
chose de viscéral dans l’attirance des
deux peuples l’un vers l’autre ?
Qui fait que, entre eux « tout fut loyal même à la guerre. La France et la Russie se
sont combattus sans se haïr »…
-Diaghilev
et les ballets russes à Paris par Averil King
Une amie anglaise historienne de l’art (spécialiste de
Levitan dont il a été question dans nos colloques sur Makine), à qui je
racontais notre prochain numéro d’ « Intervoix » sur « Les
Russes à Paris » m’a dit : « Mais je pourrais vous faire quelque
chose sur Diaghilev et les ballets russes à Paris ». Comment résister à ce souffle d’inspiration
venu d’ailleurs ?
A la fin du dix-neuvième siècle, Paris se
montrait très ouvert à de nouvelles idées et à de nouveaux concepts, et
attirait des artistes et créateurs de nombreux pays. C’est dans l’automne de 1909 que
l’indomptable ambassadeur de la culture russe, Sergeï Diaghilev, propulsé vers
l’Europe par les événements politiques de son pays, déchaîna ses Ballets Russes
sur un public parisien pris au dépourvu…
-Les
muses russes par Nina Nazarova
Les histoires d'amour singulières entre les
artistes et intellectuels français et leurs égéries russes sont emblématiques
de l'intérêt et de la fascination réciproques qui lient la France à la Russie
de longue date, depuis le mariage qui unit le roi Henri 1er à la princesse Anne de
Kiev, en 1051. La liste des femmes russes devenues les muses d’illustres
représentants de l’art français est impressionnante: Dina Vierny, qui rencontra
Maillol à l'âge de quinze ans, posa pour lui et passa le reste de son existence
à faire connaître l'œuvre du sculpteur ; Gala Dali, qui avant de devenir
l'épouse du célèbre peintre, avait eu pour mari Paul Eluard, et pour amant Max
Ernst; Olga Khokhlova, qui fut l’épouse de Pablo Picasso et qui lui donna son premier fils; Lidia Delektorskaia,
modèle d’Henri Matisse et sa muse vingt-deux ans durant, pour n'en nommer que
quelques-unes…
-Marie Bashkirtseff, L’incarnation
vivante du mythe de la femme artiste par Galyna
Dranenko
« Que
suis-je ? Rien. Que veux-je ? Tout », – note la jeune fille de
18 ans dans son journal intime. Pour devenir célèbre, son rêve, Marie
Bashkirtseff désire, avant tout, être artiste – chanter ou peindre, en un mot,
créer. Elle possède une très belle voix et s’engage donc dans des études musicales ;
mais, au bout de trois ans, la progression de sa maladie l’oblige à abandonner
le chant. Elle se consacre donc à la peinture et à la sculpture, et laisse une
œuvre importante et riche qui est exposée, de nos jours, dans les meilleurs
musées du monde (Le Louvre, Orsay, etc.). Pourtant, la plus grande création de
Marie Bashkirtseff reste son propre mythe – celui d’une femme
sensuelle et indépendante (« diabolique »)…
-Ivan
Tourgueniev et les salons parisiens par Monique Grandjean
Ivan Sergueievitch Tourgueniev est né en Russie
en 1818 à Orel et meurt en France en 1883 à Bougival. Entre ces deux dates,
l’écrivain vit deux existences inextricablement mêlées dont la ligne de partage
est 1843, date à laquelle il rencontre à l’opéra de Moscou la cantatrice Pauline
Viardot dont il tombe éperdument amoureux. (Elle est la sœur
de la Malibran, célèbre cantatrice décédée en 1836 à 38 ans). A partir de ce
moment il vivra dans le sillage de la jeune femme et de son mari, directeur de
l’opéra italien . C’est un aristocrate, fils de propriétaire
terrien ; il grandit dans la maison familiale de Spaskoie-Lioutivinova
sous la coupe d’une mère despotique qui régnait sur un père faible et plus
jeune qu’elle, sur 20 villages et 5000 âmes…
-Peintres
ukrainiens appartenant à l’Ecole de Paris
par Taras
Ivassioutine
Vers la fin du XIXe, les
impressionnistes français transformèrent leur capitale en centre mondial de
l`art. La ville de Paris, sur les collines de laquelle naissaient les courants
artistiques les plus novateurs, attirait des peintres de l`Europe, des deux
Amériques, voire même du Japon lointain. A leur arrivée à Paris, ils
s`installaient d`abord pour un bref délai à Montmartre où P. Picasso créait
déjà ses tableaux et où vivait G. Apollinaire, après quoi ils commencèrent à
s`établir principalement à Montparnasse, quartier situé sur la rive gauche de la Seine. ”La Ruche ”, une maison abritant
les ateliers artistiques, des ateliers bon marché situés rue Campagne Première
et au carrefour Vavin (boulevards Raspail et Montparnasse) où se trouvent
encore les cafés de la
”Rotonde ”, du”Dôme”, de ”La Coupole ” , devinrent
les lieux de rencontre préférés des peintres étrangers, représentant les
colonies artistiques allemande, russe, polonaise, américaine…
-Andreï
Tarkovski, cinéaste soviétique et écrivain par Claude
Hecham
Le destin de nombreux artistes fut marqué par
l’exil. Celui d’Andrei Tarkovski le fut tardivement, puisque seuls les deux
derniers de ses sept longs métrages ont été tournés hors de Russie : Nostalghia, en Italie, et Le Sacrifice en Suède. Pendant vingt
ans, entre 1962 et 1982, il a réalisé avec d’immenses difficultés liées aux
conditions de la production cinématographique en URSS, des films qui l’ont
rendu célèbre dans le monde entier :
L’Enfance d’Ivan, Andrei Roublev, Solaris, Stalker, Le Miroir. Quand il
obtint le Lion d’Or à Venise pour son premier film, qui reçut en tout huit prix
internationaux, il fut invité par la ville de Florence à venir travailler en
Italie. Il y choisit l’exil en 1984…
Echos
de Mauriac
-Les
cours sur Proust de M. Mamardachvili comme clé de la compréhension des premiers
romans de F. Mauriac par Yaryna
Tarassyuk
À première vue le thème de la communication
paraît au moins assez étrange et
inadéquat. Car à vrai dire Merab Mamardachvili, Docteur es Sciences et
Professeur de philosophie est de
nationalité géorgienne, et n’est venu qu’à de rares intervalles à Paris ; et il n’a pas écrit un seul mot sur l’œuvre
de F. Mauriac. Donc
il ne peut s’agir dans cet article que des influences symboliques au niveau de
l’œuvre et des idées…
-Dostoievski,
ou l’aigle captif par Georges
Simon
En lisant cet article de Georges Simon , vous
ferez vous-même le lien entre cette lecture très personnelle de Dostoïevski et
le thème central de ce numéro.
N’oublions pas l’ouvrage que Gide avait écrit sur son nouveau maître,
Dostoïevski, et l’impact pendant les années vingt qu’avait eu ce livre sur
François Mauriac, poussé à ré-interroger ses idées sur l’art romanesque en
France, comme le témoigne son essai, Le Roman, écrit en 1928.
Poésie
-La
Femme Seule par Monique Mangold
Sans
mari, sans compagnon, sans amant,
elle
intéresse peu de gens. C'est évident.
On l'invite quand on est seul, si on s'ennuie,
mais on l'oublie lorsqu’on est avec des amis
…
Ouvrages
de nos membres
-Galyna Dranenko , « Le mythe comme forme du
sens et sens de la forme : une
lecture mythocritique des œuvres de Bernard-Marie Koltès » (compte rendu de Nina Nazarova)
-Sabine Badré, « Couleurs du monde »
(poèmes) (compte rendu de Margaret Parry )
Couleurs
du monde
est le neuvième recueil de Sabine Badré et pour moi c’est le plus beau, non
seulement de par une nouvelle maturité du langage et du rythme et de la
structuration de la page, qui nous mettent sous le charme, nous emportant sur
les vagues du son et le déroulement des vagues, mais aussi par ce miracle de
grâce que réalise le poète grâce à l’alchimie des mots : celle de se
réveiller à neuf devant un monde transfiguré, enfant-poète qui voudrait saisir
à pleines mains les merveilles de l’univers, les sucer jusqu’à la lie, s’extasier à jamais devant cette « palette
aux mille teintes » qui en contient le secret…
-Margaret
Parry (trad.), « Fr Alexander Men, Martyr of
Atheism », par Michel
Evdokimov (compte rendu de Anne Hogenhuis)
Le père Alexandre Men ne m’était pas inconnu. Il
y a une dizaine d’années, j’ai reçu un opuscule en cadeau de la librairie des
Editeurs réunis, spécialisée dans les ouvrages littéraires, philosophiques et
religieux russes. Une prime de fidélité me laissant le choix entre plusieurs
ouvrages. J’avais opté pour le recueil de divers articles et sermons du père
Men, formant un traité de catéchisation à l’intention des Russes qui avaient
subi l’athéisme militant du régime soviétique et ignoraient tout de la pratique
religieuse…
-
Anne Hogenhuis :Tristes
printemps. Ed du Rocher
C'est l'épopée sur trois générations
d'une famille d'aristocrates franco-russes qui s'échoue a Kiev en 1917.
Provisoirement, pense-t-on, le temps de partir en France. Mais le couperet
communiste s'abat alors sur le pays...
Ce n'est qu'un avant-gout du livre
de notre membre Anne Hogenhuis, qui sera présenté plus pleinement dans le
prochain numéro.
Lire
la suite des articles dans la version papier
(contacter
Pierre Schroeter pierre.schroeter@wanadoo.fr)
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