Intervoix 37 (suite)

Écrits de nos membres

Le Grand Solitaire
Chaque fois, à chaque instant
quand j’ouvre la porte étroite de mon enfance tout d’un coup un étrange visage se réveille qui me suit à la trace qui ne s’efface pas
et me surveille sur la voie pointue de merveilles.
Ce n’était plus ni moi ni toi, le lecteur, c’était plutôt un être anonyme jusqu’à présent endormi dans l’oubli sur les vagues des instants perdus.
Et maintenant chaque fois
que j’ouvre le livre
avec les pages blanches de l’enfance
la porte étroite de l’enfance éternelle tout d’un coup je vois et j’entends comme dans une épiphanie
se réveiller le visage
de ma mère éternelle
si heureuse que son fils prodigue
soit enfin arrivé
sur les rives d’une mer intérieure aussi claire et large que profonde dans le silence d’une si lointaine Provence.
C’est le pays où le Grand Solitaire habite. Comme dans les nuages le Verbe s’abrite. Comme la lumière du premier jour
est arrivée avant nous et nous suit jusqu’au dernier instant de la vie ayant notre nom sur le firmament inscrit.
GEORGES SIMON Agapia Roumanie

L’horloge
Le pivert
Insectes et plantes 
Et bêtes et gens 
Tout ce qui vit 
Sous le ciel ici-bas 
A son horloge
Marquant le pas

De la danse du temps 
Rapide ou lente 
Ligne ou cercle 
Arabesque ou farandole
En chacun de nous 
Dès l’origine 
Elle bat Incarnée 
Programmée
Mais dans l’au-delà 
Plus de temps

Une heure, un jour, un an 
Mille ans

C’est tout un L’Éternité
30-10-2016
Un pivert vert mousse 
Picorait des vers 
Dans les feuilles rousses 
Un matin d’hiver
Tapis rouge et tapis vert
Mais sous les souches 
Pas une mouche 
Battu par le vent
Il n’a rien trouvé
Tapis gris et tapis blanc
Un vent violent 
A tout emporté 
Balayant la terre 
Et le pivert vert
Tapis rouge et tapis vert 
Blanc et gris et vert de gris
17-11-2016
FRANCOISE HANUS - France

Et voici une petite nouvelle, écrite par Patrizia Prati, sur une idée jaillie un soir. Patrizia pense qu’au-delà du récit, en somme cruel, c’est une invitation à regarder la vérité en face.
A lire donc aussi comme une allégorie !
Aveuglement
Il était dix heures et demie quand je rentrai à la maison, hier soir. Il n’y avait personne. Devant moi : le grand miroir de l’entrée, sur la console, la carte et les fleurs, désormais desséchées, qu’il m’avait offertes pour mon anniversaire. Sur le fauteuil du salon, son pull, sur notre lit défait, où je remarquai une tache de mon rouge à lèvres, son ordinateur, sur la table de la cuisine, le livre qu’il était en train de lire. Je pris mon bagage que j’avais laissé dans l’ascenseur, je fermai la porte et, sans enlever mon manteau, je pris le portable pour lui envoyer un énième message, en sachant qu’il ne répondrait pas. Puis, claquée, je me jetai sur le canapé. Je ne sais pas combien de temps je restai là, immobile, choquée, consternée. C’est seulement quand le téléphone sonna que je sortis de mon étourdissement.
- Allô, Françoise, es-tu rentrée ? Je restai muette quelques secondes.
               -  Françoise, es-tu là ? 

               -  Oui, Caroline, je suis là. Quelle heure est-il ? 

               -  Il est neuf heures et demie. Est-ce que je t’ai réveillée ? 

               -  Non !...Je ne sais pas... Je suis restée immobile sur le canapé pendant toute la nuit. 

               -  Qu’est-ce qui se passe ? Et Charles ? 

               -  Charles n’est pas là. 

               -  Où est-il ? 

               -  Je ne sais pas, Caroline, il y a une semaine, il m’a téléphoné pour me dire qu’il avait besoin de 
sortir de la routine quotidienne et qu’il resterait absent un certain temps, en me demandant de ne pas 

essayer
               -  Vraiment ? C’est absurde tout cela ! Et toi ? Comment vas-tu ? 

               -  Étourdie. 

               -  Qu’est-ce-que tu vas faire ? 

               -  Je ne sais pas. 

               -  Je viens chez toi. 

               -  Non, ce n’est pas nécessaire. 

               -  Et tes parents, comment vont-ils? 

               -  Maintenant ils vont mieux. Après l’appel de Charles, je voulais retourner à Paris tout de suite, 
mais mon père était encore à l’hôpital et ma mère est atteinte de ce que les docteurs appellent démence sénile progressive. 

de le retrouver. À partir de ce moment-là, il n’a plus répondu à mes appels.
- Françoise, laisse-moi venir chez toi. Tu es très fatiguée, sans aucun doute. Je ne travaille pas aujourd’hui. J’ai la journée libre et je pourrais t’aider.
               -  Merci, Caroline, tu es gentille, mais je préfère rester toute seule. 

               -  Bon ! Comme tu préfères, je t’appelle plus tard. Salut, ma chérie, essaie de te reposer. 

               -  Je vais essayer, je t’embrasse.
J’avais connu Caroline, il y avait deux mois, dans une fête de collègues que notre département 
avait organisée après la fin de la journée de travail, et depuis ce moment il existait une grande amitié entre nous. Ce qui m’étonnait c’était son excessif souci pour moi, que je trouvais inquiétant. 
Tout à coup j’oubliai mon amie et lentement, sans en avoir la moindre envie, j’enlevai mon manteau. Je voulais vérifier si les affaires de Charles, éparpillées dans l’appartement, me fournissaient des pistes. Mais, que chercher ? Je ne savais pas. Je lus la carte de vœux, à côté des fleurs : il y avait écrit ce que j’avais déjà lu : « Je t’aime, Françoise ». J’ouvris son ordinateur : il en avait changé le mot de passe . Je fouillai dans la partie du placard qui lui appartenait : rien. Je regardai dans les poches de son pardessus accroché dans la penderie de l’entrée : rien. J’ouvris le livre qui était sur la table de la cuisine : il y avait dedans un billet avec un nom et une adresse : Les jardins de plantes, 3, rue des Jacobins. Je regardai ensuite sur Internet, en constatant qu’il s’agissait d’un restaurant. En moins de deux, je sautai dans un taxi. Le restaurant était ouvert, mais il n’y avait que les employés. J’entrai. 

               -  Bonjour ! À quelle heure ouvre la cuisine ? 

               -  Bonjour Madame ! À une heure et demie. Voulez-vous réserver une table ? 

               -  Oui, merci, pour une personne. 

               -  Très bien. 

               -  Est-ce que vous connaissez un homme qui s’appelle Charles Dandin ? 

               -  Charles Dandin ? Non, je crois que non. 

               -  Est-ce que vous avez une réservation à ce nom ? 

               -  Laissez-moi contrôler. Dandin, Dandin.... Non Madame, je suis désolé. 

               -  Ça ne fait rien, merci, à toute à l’heure. 

               -  À toute à l’heure, Madame.
Je fis une promenade aux environs de la rue des Jacobins pour voir si je remarquais quelque chose 
dans la zone, qui pouvait m’aider. Rien, rien du tout. À une heure et demie je revins au restaurant et m’assis à la table réservée. Peu à peu, des gens arrivèrent. Tout à coup je me souvins que je n’avais rien mangé depuis la veille. Je mangeai en regardant sans cesse tout autour de moi. Il n’y avait là aucune connaissance. Je demandai un café au lait, y ajoutai du sucre, le remuai avec la petite cuillère et le bus. J’étais en train de payer quand je vis Caroline entrer au restaurant et s’asseoir à une table, située près de la porte. Caroline était donc là ? Était-elle là par hasard ? Non. Charles arriva deux minutes plus tard, il l’embrassait sur la bouche et s’assit à son côté. Le cœur serré, le visage caché dans mon manteau, je sortis du restaurant. J’aurai pu leur parler, les insulter, les humilier, mais je ne le fis pas. Je n’en eus pas la force. Je pleurai. Quand j’arrivai à la maison, je ne vis plus les affaires de 
Charles, tout avait disparu. Écrit au rouge à lèvres, sur le grand miroir de l’entrée, il y avait un long message : À Françoise.
Chère Françoise,
Tu as été sage, tu as fait tout exactement comme Caroline et moi l’avions prémédité : tu n’as pas accepté l’aide de Caroline, tu as trouvé le billet dans le livre, tu as mangé au restaurant où nous avions fait une réservation pour deux personnes, au nom de Caroline Gautier, tu n’as pas eu la force de nous insulter en public, tu es rentrée chez toi juste après nous avoir vus, et tu as trouvé mon message écrit sur le miroir, ce même message que tu es en train de lire. C’était la seule manière de t’ouvrir les yeux : Caroline et moi, nous sommes amants depuis deux ans. C’est la vérité, que tu ne voulais pas voir. Pendant tout ce temps, tu semblais complètement l’ignorer. Tout cela est donc une mise en scène. C’est vrai, mais nous sommes lâches, comme toi, Françoise. Tous les trois nous sommes lâches, et nous n’avons pas le courage de regarder la vérité en face, nous préférons éviter de lui adresser un regard. De fait, pendant les deux dernières années, nos regards ne se sont jamais croisés. Tu ne connais Caroline que depuis deux mois, mais nous sommes amants depuis deux ans ! Maintenant tu le sais. Une dernière chose : quand tu auras fini de lire ce message, efface-le et regarde-toi dans le miroir. N’évite pas ton regard, ne sois pas aveugle plus longtemps : ce seront tes propres yeux qui dorénavant te montreront la vérité.
Avec mon amitié. Charles
Patrizia Prati

Publications de nos membres
Sabine Badré, Lumière du soir, 2017, imprimé à Ruelle- sur- Touvre
Il faut voir les vitraux de l’intérieur. Ceux qui sont sur la première de couverture, ont un fond bleu émaillé de lumière. Les poèmes de Sabine Badré sont à lire de l’intérieur. Ils sont écrits de l’intérieur, prenant leur source en ce point profond de l’être que François Cheng, cité en exergue avec Rilke et Christiane Singer, appelle « pierre de jade », étincelle de vie.
En une cinquantaine de poèmes le plus souvent courts et denses, nous lisons, nous disons des instants d’existence.
Le premier, intitulé « Vivre », est une explosion d’énergie, un coup de pied dans « la fourmilière uniformiste », une revendication de « liberté ». Ouf ! cela fait du bien et conforte dans l’idée que la poésie est rebelle et cherche « un ailleurs, une terre nouvelle ». En vers libres, le recueil participe d’un élan vers le « seul Amour ».
Alternent ensuite des voix de révolte, de gaité, d’amour, de tendresse avec des moments de méditation. « Le port ». « Combien de ports jusqu’à l’ultime escale ? ». Silence. La mort n’est pas niée, mais l’escale est lumineuse.
Et des regards sur le flot de ceux qui sont sur les chemins. « Exode ». Exode de toujours. Exode d’aujourd’hui. « Châle enveloppant de l’amour maternel ». L’amour encore, seul capable de sauver les perdus du chemin. Des images émouvantes pour insuffler de l’espérance.
Car le recueil est aussi un chemin. Le lecteur accompagne le poète. «Clopin-clopant!» Jusqu’où ?
« J’avance
Un pas sur terre
L’autre
En éternité »
Le chemin de vie connaît des instants de nuit et de lumière.
Et des trajets avec d’autres poètes et romanciers : Ronsard (un peu malmené), Don Quichotte
(éternel rêveur), Balzac (la plume à la main et raturant), Eluard (prêteur de forme). Un émouvant « bilan de vie » à l’image du recueil.
Et le livret, quelquefois ponctué d’accents tristes, s’ouvre sur un matin de résurrection et de joie. Merci Sabine !
Je te lis ! Je me lis.

Marie Louise Scheidhauer
Cent ans après
Comment écrire la grande guerre ? Poétiques francophones et anglophones
Edited by Nicolas Bianchi and Toby Garfitt, Peter Lang, 2017. XIV, 366p. ISBN: 978-1-78707-198-8 (print).Available in ePDF and ePUB formats
On trouve sur la quatrième de couverture:
« Engagée dans une guerre défensive sur ses frontières, la France connut une Grande Guerre bien différente de celle avec laquelle composèrent ses alliés britanniques. Faut-il en conclure que les deux nations furent amenées à produire des réponses au conflit radicalement différentes ? Peut-on dégager des traditions nationales ou des tendances transnationales ouvrant la voie à des comparaisons encore rarement esquissées par la critique littéraire ? C’est le pari des contributions de ce volume bilingue, réunissant autour de la question : « comment écrire la grande guerre ? », les articles de spécialistes francophones et anglophones des domaines historiques et littéraires. »
Dans l’introduction, Nicolas Bianchi annonce cinq grands axes de réflexion. Le premier, consacré à la poésie, s’articule autour de la notion de mémoire. Nous reviendrons un peu en détail sur la contribution de Toby Garfitt, très originale, du fait qu’elle présente des poèmes d’auteurs de couleur, méconnus. Le deuxième axe s’intéresse à la correspondance de poètes combattants. Le troisième est consacré aux styles de la Grande Guerre et met en avant l’inadéquation du langage aux réalités de la guerre. Les autres chapitres invitent à réfléchir au caractère très politique des réponses apportées à la survenue de la guerre. Enfin je note le dernier moment qui s’intéresse « à la complexe question de la représentation de l’homme dans une guerre tendant à lui dénier toute humanité, tout héroïsme, et toute singularité ».
C’est dire que l’ouvrage mérite un complément de présentation dans un prochain numéro, d’autant que je ne dis mot ici des écrivains souvent célèbres qui sont cités.
Pour amorcer la lecture, voici le résumé que fait de l’article de Toby Garfitt, un lecteur anglophone :
« Poetry of Colour » Une poésie de couleurs

Quelle fut l'œuvre que suscita la Première Guerre Mondiale parmi les peuples des colonies, eux que la France et la Grande Bretagne appelèrent à se joindre à l'effort de guerre et à combattre aux côtés des troupes métropolitaines dans les tranchées ? Il s'agit d'un aspect majeur du conflit, puisque quatre millions d'hommes furent ainsi mobilisés. Et pourtant il a longtemps été ignoré et n'a suscité que récemment les recherches qu'il méritait. Encore faut-il noter que cet engouement semble toucher davantage les anciennes colonies britanniques que françaises.
En introduction au chapitre qu'il signe au sein de l'ouvrage qu'il dirige avec Nicolas Bianchi, Toby Garfitt prend soin de rappeler d'emblée les limites de telles recherches : l'immense majorité des soldats issus des colonies ne savait pas écrire, tout comme leurs proches. Leurs impressions et les œuvres poétiques que leurs départs suscitèrent restèrent confinées trop longtemps à l'oralité. Elles sont désormais perdues. Mais celles qui nous sont parvenues montrent l'universalité du désir d'héroïsme, de l'appel au sacrifice pour la partie ainsi que la peur de la mort.
Ainsi, à un siècle de distance, Maoris, Xhosas ou Penjâbis témoignent d’une réponse souvent enthousiaste à l'appel aux armes des métropoles. On y constate le refus, implicite mais constant, que leur engagement soit jugé d’une valeur moindre que celle des métropolitains, et l'adoption d'un style patriotique qui n'est pas sans rappeler la production des nations colonisatrices. Ainsi ces œuvres montrent dès la Première Guerre Mondiale l'expression de sentiments nationaux et la volonté de se distinguer en des termes similaires aux métropolitains. Elles présagent aussi les thèmes des luttes pour l'indépendance, qui ne furent somme toute que la poursuite de cette revendication d'une valeur égale.
D'ailleurs Toby Garfitt prend soin de montrer que le conflit mondial ne suscita pas que des réactions de soutien à la métropole. Dans bien des cas, les œuvres conservées contiennent un appel à ses ennemis, dont on espère la libération. Ceux-ci ne répondirent guère aux espoirs placés en eux. En effet, si la contribution des peuples de “couleur" fut largement oubliée par les métropolitains, la propagande allemande fit en revanche un usage majeur de la présence sur le sol de l'Europe d’êtres noirs hostiles. En les dépeignant systématiquement comme sauvages et violents, elle préparait déjà le terrain de l'idéologie nazie.
Garfitt, Toby (2017). Poetry of Colour. In Nicolas Bianchi and Toby Garfitt (eds.) Writing the Great War. Comment écrire la Grande Guerre ? Francophone and Anglophone Poetics. Poétiques francophones et Anglophones. Oxford : Peter Lang, pp. 33-48.
Christophe et Marie Louise Scheidhauer

Dialogue
Nouvelle rubrique , sorte de courrier des lecteurs, qui permet de répondre aux auteurs des articles du numéro précédent.

Réponse d’une lectrice à l’article de Galina Dranenko sur Le malentendu Semenko.
Réponse d’une vivante à Mikhaïl Semenko.
En cette année 2017, cent ans après La Grande Guerre et suite à la présentation du précédent ouvrage, je prends la liberté de republier un poème de Semenko, Semenko qui était sans doute un inconnu pour la plupart d’entre nous.
Il s’agit en effet de la même alliance de guerre que celle citée dans l’ouvrage précédent. La Russie était en effet alliée à la France et à la Grande Bretagne dans la première guerre mondiale. Le poème porte la date de 1917. Il est écrit à Vladivostok. Nous retrouvons les mêmes échos que dans les écrits des alliés occidentaux. Ecoutez ! Entendez ce qui a été si mal entendu !

Les jours implacables

Patientent devant moi, 
les jours de la frayeur- 
Les jours implacables.

J’ai à supporter le froid, la chaleur

D’une lutte épouvantable

J’envelopperai, envelopperai ma poitrine ferme 
D’une carapace d’acier.

Qui, qui raturera mes traces ?

Partir dès l’aube.

A la campagne, des nuages, des fumées 
Effroyables,

Les éclats aveuglants.

Patientent devant moi les jours de la frayeur- 
Les jours implacables.

1917

Après cent ans je t’entends, Mikhaïl Semenko, tu vois, tes paroles ne se sont pas perdues dans le vent. Il y aura toujours des relais pour les transmettre. Tu m’es proche Mikhaïl Semenko, mon grand-père a fait la même guerre, de l’autre côté du front, à Königsberg. Il a laissé un carnet. Je ne le comprends que maintenant. Ce qu’il y note ce sont des soucis de vivants : comment vivre ? comment survivre ? Comment sa famille survit-elle ? Ses enfants, sa femme ?
Merci Galina Dranenko de ranimer les vers oubliés, de rappeler ces paroles d’homme, qui parlent à d’autres hommes, à d’autres humains, de vie et de mort. Les hommes sont les mêmes face à leur destin d’homme de finitude.
Une lectrice

Marie Louise Scheidhauer


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